Le 26 avril 1803 (6 floréal an 11, dans le calendrier républicain alors en vigueur), des pierres sont tombées du ciel près de l’Aigle (Orne). Cette pluie de météorites s’est produite en plein jour, sous les yeux de nombreux témoins. Le jeune savant J.-B. Biot est dépêché sur place 2 mois plus tard pour enquêter. Il en tire un rapport de 47 pages présenté en juillet à l’Institut.
L’enquêteur
Jean-Baptiste Biot (1774-1862) est alors âgé de 29 ans. Mathématicien, physicien, astronome, sa carrière sera bien remplie. C’est à lui que l’on doit la loi de Biot et Savart, donnant l’intensité du champ magnétique créé par un conducteur ; il est également à l’origine de la loi de Biot qui quantifie la rotation du plan de polarisation de la lumière par des solutions contenant des molécules optiquement actives.
Avant la chute de pierres de l’Aigle, on n’a pas de certitudes sur la provenance de ces pierres (ni même de la réalité de ces chutes : les témoignages de paysans sont pris avec beaucoup de réserves). Le rapport de Biot constitue un tournant : ces pierres viennent bien du ciel. En 1794, le physicien Ernest Chladni avait proposé une hypothèse nouvelle sur les chutes de pierre, avançant pour la première fois leur origine extraterrestre. Mais son idée est restée ignorée dans le monde scientifique. Chladni faisait le premier un lien entre trois phénomènes : d’une part les traînées lumineuses observées régulièrement dans le ciel, d’autre part les chutes de pierre, et enfin la présence dans certaines régions du monde de masses métalliques, des pierres parfois très lourdes et de nature complètement différente de l’environnement où elles se trouvaient.
L’enquête de terrain
Biot se rend dans les hameaux entourant la ville de l’Aigle, et interroge tout le monde : ecclésiastiques, paysans, propriétaires terriens. Tous ont la même description visuelle et sonore de l’événement. Biot rejette ainsi toute possibilité d’affabulation. Tous les témoins s’accordent sur la date et l’heure : le mardi 6 floréal, « vers midi trois quart ».
Biot inspecte les terrains de la région : aucune roche locale ne peut être confondue avec les « pierres météoriques » qu’on lui montre.
L’odeur qui s’échappe des pierres fraîchement brisées, le fait qu’elles durcissent au fil des jours : autant de preuves de leur apparition récente.
L’enquête de Biot est un modèle de rigueur scientifique : il explore les hameaux environnants jusqu’à s’assurer des limites de la zone de chute, et trace un périmètre, en précisant les lieux de chute selon leur taille. Ici, quelques pierres de plusieurs kilogrammes, là des centaines de pierres de quelques grammes.
La conclusion du rapport
Le scientifique prend toutes les précautions avant d’avancer ses conclusions :
« Il y a eu aux environs de l’Aigle le mardi 6 floréal an 11, vers une heure après midi, une explosion violente qui a duré pendant cinq ou six minutes, avec un roulement continuel. Cette explosion a été entendue à près de trente lieues à la ronde. »
« Le mardi 6 floréal an 11, quelques instants avant l’explosion de l’Aigle, il a paru dans l’air un globe lumineux animé d’un mouvement rapide. Ce globe n’a pas été observé à l’Aigle; mais il l’a été de plusieurs autres villes environnantes et très distantes les unes des autres. »
« L’explosion qui a eu lieu le 6 floréal aux environs de l’Aigle, a été la suite de l’apparition d’un globe enflammé qui a éclaté dans l’air. »
De nos jours, un morceau de météorite de l’Aigle fait le bonheur des collectionneurs.
Le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris conserve environ 10 kg de météorites de l’Aigle.
Je conseille la lecture du rapport de J.-B. Biot, disponible en ligne.
J’en ai fait une version numérique , avec une présentation similaire à celle du document original :
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