Spoiler alert! Si vous n'avez jamais lu Le tour du monde en 80 jours, de Jules Verne, et que vous comptez le lire, passez votre chemin, car ce qui suit dévoile la surprise finale !
Dans ce roman de 1872, Jules Verne met en scène le phénomène observé quand des voyageurs accomplissent un tour du monde vers l’Est : le nombre de jours de voyage perçus par les voyageurs est différent de celui compté par ceux restés sur place. Ainsi, le personnage principal Phileas Fogg pense avoir passé 80 jours à voyager, alors qu’en réalité seuls 79 jours se sont écoulés.
Pour expliquer cela, on peut représenter une série de schémas comme suit :
- un arc décrit le trajet vers l’Est accompli par le personnage.
- un arc décrit le trajet apparent du Soleil.
Pour simplifier, on suppose que le voyage commence à midi, et ne dure que quelques jours. Le résultat reste valable dans un cas plus général.
Lecture des schémas :
- cercle bleu : la Terre vue de dessus (pôle Nord au centre), avec ses méridiens.
- point « L » : Londres, lieu de départ et d’arrivée.
- arc violet : trajet vers l’Est du voyageur.
- rayons : les points où le Soleil passe au méridien où se trouve le voyageur.
- arcs orange : mouvement apparent du Soleil.
Le voyageur perçoit la succession des jours par le passage du Soleil au niveau du méridien où il se trouve, de même que les personnes restées sur place.
Or, en allant vers l’Est, le voyageur se dirige à la rencontre du Soleil, et voit passer ce dernier avant qu’un tour complet du Soleil ne soit effectué. Il en résulte que les journées perçues par le voyageur durent moins de 24 heures.
Ce raccourcissement des journées se cumule pendant le voyage pour aboutir, à l’arrivée, à une journée complète d’écart du nombre de jours, comparé à celui compté par une personne restée sur place. Cette journée de décalage est indépendante de la durée totale du voyage.
Code source Python générant ces schémas (module Matplotlib) :
Les schémas proposés ici considèrent des voyages de quelques jours seulement, pour des raisons de lisibilité ; pour des durées plus importantes, le raccourcissement des jours perçus est imperceptible.
Il faut noter que, dans le roman, Phileas Fogg semble uniquement se repérer à l’heure locale des escales du voyage :
Ceci explique l’effet de surprise final : Fogg ne peut pas percevoir le raccourcissement des jours, et donc le décalage qui l’attend à l’arrivée.
Son domestique Passepartout, en revanche, conserve sur sa montre l’heure de Londres, lieu de départ :
L’heure de Londres conservée par Passepartout donne lieu à quelques remarques amusantes, mais Jules Verne en profite également pour donne au lecteur quelques indices annonçant l’issue finale :
Pour réserver l’effet de surprise, Jules Verne se garde bien d’évoquer la ligne de changement de date, située dans le Pacifique. En franchissant cette ligne vers l’Est, on passe au jour précédent du calendrier.
Dans le cas d’un voyage dans l’autre sens, c’est-à-dire vers l’Ouest, le décalage reste de 1 journée, mais cette fois-ci le nombre de jours perçus est inférieur au nombre réel. La première constatation historique date du retour de l’équipage survivant de l’expédition de Magellan, en 1522.
Voici un extrait de la relation de Pigafetta, un marin de l’expédition auteur du principal récit du voyage, le jour où l’équipage atteint les Îles du Cap Vert, possession portugaise :
et une note de l’éditeur :
« La question préoccupa vivement les astrologues de Séville au retour de la Victoria. C’est Anghiera, sur les instances de l’ambassadeur vénitien Gaspare Contarini, qui fournit rapidement la solution du troublant problème – par ailleurs élucidé deux siècles plus tôt par le géographe arabe Abulfeda (1273-1331). »
Avant que l’explication ne soit trouvée, on pensa que les marins avaient peut-être fait une erreur de calendrier, occasionnée par l’année 1520 qui était bissextile. Mais devant les réponses unanimes des hommes d’équipage, il avait fallu chercher une explication ailleurs.
Il est absolument remarquable que Abulfeda ait été en mesure de prédire ce phénomène sans le vivre lui-même.
Merci ça m’a aider pour un exposé